Influenceurs et marques : les manœuvres improbables

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Depuis plusieurs mois, sous l’impulsion du digital et des mécanismes de viralité, « l’influence » se répand à travers les réseaux sociaux.
Un phénomène à la mode qui touche tout le monde : les communicants d’abord, en quête du saint Graal, les agences qui y voient un nouveau business, mais aussi les organisateurs d’évènements pour booster et dynamiser leurs dispositifs.
Et les marques… elles s’interrogent ! Explications.

Une approche qui se structure

Jusqu’à présent, les gentils twittos invités par des marques et les grands comptes dans le cadre de dispositifs événementiels, oeuvraient par plaisir d’assister à des tables rondes riches en débats, en contact avec des experts, et des entreprises susceptibles de les recruter pour des missions.

Aujourd’hui, la proposition de valeur a évolué : elle peut s’accompagner d’une rémunération, ou d’un échange de bons procédés basés sur la visibilité et la notoriété de ces influenceurs. Au programme : Interviews dédiées, kit de com à l’effigie de ces influenceurs, des goodies, la prise en charge des hôtels, repas etc.. Suivant le système, ce sont des compensations qui peuvent suffire à obtenir la participation à l’événement. Et quand cela ne suffit pas, la marque doit passer en mode rémunération …!

D’autres plus avertis en ont packagé une offre en constituant des teams de community managers, de manière très pertinente et accessible, que je recommande particulièrement.
C’est une première marche de structuration, pour cette notion si volatile de l’influence, et cela pose des bases saines de travail.

Les agences d’influence permettent également d’assurer un filtre utile aux entreprises qui n’ont ni le temps et pas toujours les talents adéquats pour discerner l’influence dans ce vaste marécage de viralité. Mais, est-ce suffisant pour déterminer les compétences des parties prenantes ?

Journalistes – Influenceurs : amalgame des genres ?   

Les talents des journalistes et des influenceurs paraissent pourtant complémentaires. Dans une vision réductrice : Pour l’un, les techniques d’engagement (la fameuse « viralité ») notoriété et communauté, pour l’autre, la plume et l’expertise, l’éthique propre au métier.

Certains organisateurs d’événements (agences ou grands comptes) agrègent alors influenceurs et journalistes dans le même panier.  Force est de constater que l’approche fait grincer des dents…

Groupon en a retiré les leçons lors du Meeting 1to1 à Biarritz récemment :

Tweet 1

Et Leila Leveque de l’agence Digital Keys d’assurer « on ne réunit jamais influenceurs et journalistes … c’est la base ! »
Dans les faits, peu nombreuses sont les agences avec l’expérience et le recul, pour se positionner à un niveau respectable.

Les services com -ou digitaux, ne passent (heureusement !) pas dix heures par jour connectés sur les réseaux pour appréhender et dompter cet univers véloce et fluctuant. Mais le laps de temps qu’il leur reste pour effectuer cette veille, est réduit. Cela leur permet de surfer superficiellement sur l’écume émergente, d’entrevoir quelques susdits influenceurs, et taggueurs intempestifs de tout poil.
L’alternative de privilégier le copinage est une erreur, par son manque d’objectivité.
Car sans vision grand angle, l’exigence de qualité ne pourra être assurée.

Pour les grands comptes, je constate depuis plusieurs mois une première prise de conscience, et les services de communication tâtonnent.
Ce sont des échanges nourris que nous établissons, pour leur permettre de bâtir un projet sur-mesure : des profils d’influenceurs expérimentés, validés comme tels avec une réputation avérée, capables de créer du contenu qualitatif, et qui résonne avec leur audience cible.

Un constat corroboré sur ce même Salon du Marketing 1to1 :

Tweet 2

Ensuite il s’agit d’articuler la cohésion de l’équipe constituée. On peut déplorer que l’éthique ne l’emporte pas toujours : la notion pourtant fondamentale des valeurs de l’entreprise, se façonne également par ses choix dans sa présence digitale. En dépit du respect de cette éthique, la marque enterre, en quelques heures, une partie de ses valeurs.

Vous reprendrez bien un peu de sens ?

L’expérience de ce journaliste d’un grand média print est significative de ce que nous avons vécu ensemble lors d’un déjeuner de presse : Convié par Fiat pour tester le nouveau modèle de véhicule, il se retrouve dans l’avion, très surpris, aux côtés d’instagrameuses.

Une fois sur place, le journaliste réalise un essai du véhicule, puis se tourne vers sa voisine de vol pour lui donner les clés. Celle-ci rétorque : « je ne sais pas conduire. » Elle poste sa photo sur Instagram et, s’en va. Cohérence ?
Et surtout, quel retour sur investissement de la marque ? L’image de marque de Fiat se trouve t-elle rehaussée, améliorée, entretenue ? Bien au contraire, -et le journaliste le premier d’en témoigner.

B.a.-ba des bonnes pratiques

Ce phénomène en émergence requiert d’autant plus de rigueur, de travail de recherches, et de qualification des critères.  Il est impératif de travailler sérieusement sur les profils de ces influenceurs, leurs contenus, les cibles touchées, et les résultats souhaités. D’établir des contrats personnalisés, même s’il n’y a pas de rémunération en contrepartie.

Il s’agit de ne pas sous-estimer l’impact des relayeurs et médiateurs d’une marque. La communication digitale implique, plus rapidement et plus largement.

Ensuite, comme toute action commerciale, il faut y associer les bons KPIs en amont (définis en fonction de ses objectifs de marque) afin d’en retirer les bonnes pratiques, les profils adéquats, pour éviter de réitérer des erreurs de ciblage.
C’est une enquête, des investigations effectuées bien avant l’événement, qui permettent de déceler les impostures, inhérentes à ces statuts.
Puis une démarche de co-construction entre marque et influenceurs, des échanges croisés afin d’établir le cadre de la collaboration.

Le digital, enthousiasme toujours de par sa gratuité et son accessibilité. Le mélange qu’il initie apporte à l’innovation, mais le brassage à l’aveugle, sans stratégie, nuit insidieusement à la marque et à ses managers.

Il est temps que les équipes de com en interne, les agences, mais aussi les dirigeants, en prennent conscience !

 

Un grand merci à Marie DOLLE pour sa précieuse contribution 😉

 

 

Publié par

fabienne billat

Le numérique, c'est une culture, empirique, et humaine. Depuis 1998, mes missions professionnelles se succèdent dans ce domaine, toujours axées sur l'innovation avec la communication comme levier. En 2009 : Collaboration avec la start up Smub, Inc, développement de la techno de sharing de liens web, pour la presse magazine. En 2014 , le sujet de la transformation numérique se pose dans les entreprises mais rien n'est décrypté sur l'engagement des collaborateurs, dont l'implication permet de se rapprocher des entreprises et marques déjà très connectés. Je rédige donc "Au secours, ma boîte se digitalise !" synthèse de mes réflexions, issues de l'expérience terrain, et publiée dans Les Echos : https://wordpress.com/post/fabiennebillat.com/4 (en intégralité sur ce blog) Depuis, pour des acteurs économiques privés et publics je réalise des interventions, des conférences, adaptées au domaine d'activité et au niveau de maturité des utilisateurs, afin de créer un environnement performant. J'accompagne des dirigeants, des start upeurs, des dircom & marketing dans leur présence on-line, leur veille économique, l'optimisation de leur communauté, leur influence mais également celle de leur entreprise. Ponctuellement, je réalise des cover live tweets à la journée, lors d'événements numériques de grands comptes, avec des interviews. Cela vous inspire ? Contactons-nous !

2 réflexions au sujet de “Influenceurs et marques : les manœuvres improbables”

  1. Le point sur les valeurs me semble précieux sans oublier une vision de long terme sur la stratégie qu’on poursuit. Le quantitatif à un événement, bien que flatteur, n’a pas de sens.

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