Où l’on retrouve quelques points de la table ronde organisée par E Futura octobre 2021

Les participants :
Stefana Broadbent, Professeur à Polytechnique, Docteur en sciences cognitives
Michael Stora, Psychanalyste et fondateur de l’Ecole des Héros,
Dominique Boullier, Professeur de sociologie.
Et Bibi 😉
Modération des débats : Wladimir Taranoff
La Chine a limité à 40 minutes par jour la durée d’usage du réseau TikTok pour les jeunes de moins de 14 ans, et les jeux vidéo en ligne pour les adolescents.
95 % des films qui s’affichent sur notre page d’accueil Netflix sont des recommandations personnalisées établies selon notre utilisation de cette plateforme.
À l’origine de ces plates-formes, nous étions dans l’engouement de la nouveauté, l’utopie du partage. Mais le business modèle d’origine a évolué, et n’est plus le même. Celles-ci tablaient sur des revenus publicitaires, qui aujourd’hui se transforment en monétisation de la data, donnant lieu d’influer sur nos choix et nos décisions.
À la fin des années 90 il y a eu une baisse du chiffre d’affaires, les montants de commercialisation par les publicités stagnaient. Par notre adoption massive , notre présence accrue, les plates-formes ont réalisé la nouvelle manne financière qu’elles pouvaient obtenir en monnayant la récolte abondante de données.
Ces développements n’étaient pas anticipés ni du côté de l’utilisateur que du côté des créateurs de ces entreprises. La data est devenue l’or noir, permettant de réaliser des profilages affinés de nos typologies.
En effet, l’intelligence artificielle de Facebook récupère des trillions de points de données, pour réaliser 6 millions de prédictions de comportements à la seconde.
« Car les algorithmes travaillent sur la prédictivité de l’être humain . » Michael Stora s’insurge : l’être humain est tout sauf prédictible. La conception de l’algorithme 0.1 est binaire, et ne définit pas l’être humain. »
Par l’injonction de l’immédiateté, chaque clic déclenche une réaction, les plates-formes rivalisent. Cette dynamique nous entraîne dans ce mouvement de FOMO Fear of missing out, une anxiété qui pousse à rester connecté en permanence, pour ne pas risquer de manquer une information ou un événement.
Nous sommes dans une consommation d’urgence, mais passive, qui ouvre la brèche et permet aux plates-formes la recommandation.
Nous voilà, sur les réseaux sociaux, à scroller, de manière régressive, grâce au design de ces plateformes, pour influer sur notre comportement « : Michael Stora
À l’origine il s’agissait de lisser au maximum les interfaces et de les rendre le plus accessibles possible.
Design et viralité participent à la suppression le temps de réflexion, qui induirait un consentement éclairé. La prise de recul est empêchée, et l’usage du libre arbitre détérioré.
À partir de 60 secondes d’attention nous quittons la plate-forme. En réponse , celles-ci proposent des contenus plus en plus courts, par les visuels, la vidéo.
Quels sont les éléments addictifs identifiés ?
Les notifications, sont particulièrement stressantes et nous poussent à cliquer pour découvrir les likes et les messages.
Sur une plateforme ou un site, dès la 10e seconde, nos stimulus sont réactivés avant que notre attention baisse et soit captée ailleurs.
Le système de récompenses aléatoires, est un redoutable mécanisme : une information que nous attendions suivie d’une information décevante, nous maintient en alerte.
Sur un flux numérique, il n’y a pas de signal d’arrêt. Un livre a des chapitres, un magazine également, une série a des épisodes et des saisons, un signal qui indique systématiquement une étape, permettant de s’arrêter. Ce n’est pas le cas sur les réseaux sociaux.
Ces outils fixent la captation de l’attention, phénomène qui a donné lieu à la captologie.
Matthew Crawford -philosophe et universitaire américain, insiste sur le besoin de développer cette capacité de l’attention aujourd’hui « parce que le monde technologique actuel nous aliène en nous retirant des opportunités de la développer avec des hyper-stimuli permanents qui flattent notre moi autonome et remplissent les poches des “architectes du comportement de masse”.
../… Avec un conditionnement culturel qui :“… tend à perpétuer l’illusion du contrôle magique de la réalité et l’encourage à percevoir la technologie comme la Maman Suprême prête à répondre sans défaillance à tous ses désirs, et à le protéger des frustrations d’un monde aléatoire.” Une vision de la technologie versus une maman, qui répond à tous nos désirs d’enfants sur-protégés.
« Néanmoins, depuis quelque temps, un certain malaise émerge par rapport à cette captation de l’attention. Les débats se multiplient, et génèrent beaucoup de complexité, mêlant différents registres, éthique, juridique, social. Des analyses en abondance, en découleront des propositions pour remédier à cela.
« Ce modèle économique de l’économie de l’attention n’est pas intrinsèque à la technologie : parmi les nombreux business modèle possibles, mais un seul a été retenu » : Stefana Broadbent. Et toutes les plates-formes fonctionnent sur le même modèle économique.
Ce qui prévaut, comme pour toute firme privée, est la croissance et la rentabilité économique. L’utopie, vertueuse, serait que cette multitude d’ informations publiées sur la plupart de ces plate-forme soit agrégée pour constituer des bibliothèques, des stocks informationnels, un bien commun, un partage collectif.
De générer de l’intelligence collective, émanant de cette communauté de presque 3 milliards d’utilisateurs de Facebook.
Alors. Le numérique est-il au service de l’être humain, ou sommes-nous à son service et celui des plates-formes ?
Le lien vers cette table ronde foisonnante : https://www.youtube.com/watch?v=2TDzlXW91LQ

Merci beaucoup pour ce billet et découvrir la « captologie »
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Merci ! Et ds l’actualité, voilà des éléments de confirmation sur ces objectifs de récolte de données.. :
https://www.lesoir.be/422340/article/2022-02-05/pourquoi-meta-menace-de-ne-plus-proposer-facebook-et-instagram-en-europe
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