Social Media : Modération impossible ?

Car malheureusement, nos prises de parole sont pas toujours aimables !

On le remarque tous les jours, certains échanges s’accompagnent d’abus de comportement, avec des commentaires dénigrants, des invectives, du harcèlement, qui font partie désormais du paysage numérique.
Au regard du volume, de la viralité, les plates-formes sont en première ligne et les opérateurs ont du mal à modérer la polarisation de certains messages. Citons le principe d’asymétrie des idioties , ou la loi d’Alberto Brandolini, programmeur italien, qui décrit la complexité de la modération :
 » La quantité d’énergie nécessaire pour réfuter des idioties est supérieure d’un ordre de grandeur à celle nécessaire pour les produire. »
Cet espace numérique, le cyber-espace évoque souvent, le Far-West !

Un chiffre : pour la désinformation sur Facebook, sur un sujet polémique, un point culminant de environ 200 millions d’engagements mensuels a été enregistré.
Être sur Internet, renforce parfois un sentiment d’impunité dû notamment à l’anonymat.
Plus précisément, 5,4 % des commentaires publiés en ligne sont de nature toxique.
Ce taux assez bas vous étonne ? Alors, si vous remarquez davantage d’agressivité sur vos fils, un nettoyage au sein de votre communauté, est à envisager.

Pour les marques les commentaires mal modéré coûte cher. Plus généralement, la modération convoque des enjeux démocratiques et politiques…

Pourtant la vision initiale des créateurs de ces plateformes prônait la possibilité de débats et d’échanges
En témoigne Jack Dorsey, fondateur de Twitter en 2018 . Face au Sénat américain, il définissait son réseau comme une place publique numérique. Pour des échanges libres et ouverts. Certes, mais conçu par des entreprises privées.
Ces agoras sont dépendantes de contraintes économiques. La modération des contenus doit s’inscrire dans ce modèle économique. Chacune devrait trouver un consensus sur le traitement des contenus politiques ou idéologiques. Alors le numérique est mondial, mais les plates-formes sont majoritairement américaines. Et nous n’avons pas la main !

C’est pourquoi l’objectif du règlement du DSA européen est de garantir un niveau minimum de modération, surtout toutes les plates-formes.

Il stipule : elles devront veiller à l’application des lois du réel, dans le monde virtuel, en intégrant un outil de signalement, avec une obligation de réaction rapide. En France, soulignons le nouveau plan de lutte gouvernementale contre le racisme et la haine en ligne, qui prévoit la création d’un guichet unique pour centraliser les signalements et préparer les éléments juridiques et techniques nécessaires au travail de la police.
Sur les réseaux sociaux les plus suivis, comment se passe la modération ?

Pour Twitter, la volonté affichée d’Elon Musk est de la limiter drastiquement. Pour lui, les fausses nouvelles n’existent pas. Si quelqu’un affirme que la Terre est plate, c’est son droit. Il a d’ailleurs licencié une partie des équipes de modérateurs, et Twitter devient l’outil libertarien conforme à ses visions. Jusqu’à présent, sur Facebook, tout message peut-être masqué ou supprimé. Le troll, le spam peuvent être bannis, et l’expéditeur exclu de la page concernée.

Osons maintenant une pointe de sensualité ! Les images contenant des mamelons de femmes, sauf dans certains contextes de santé, sont interdits sur FaceBook.
Ici, on a le droit !!

Pourquoi alors, les images d’Hommes torses nus sont autorisés ? Le conseil de surveillance de Meta appelle à revoir cette règle sur la nudité

Comment établir des garde-fous devant des publications nuisibles ? Il y aurait plusieurs solutions :
l’automatisation, c’est difficile. Car les algorithmes sur lesquelles elle s’appuie reste imprécis. Comme l’observe Asma Mhalla cela ne suffirait pas. Il faut contextualiser, aux lieux, aux environnements, culturels, politiques , aux situations, etc. Celle du shadow ban ? C’est-à-dire bannir un utilisateur sans que celui-ci en ait conscience. Le Rageux qui fait le commentaire, le voit posté sur la page, mais il est invisible pour les autres visiteurs.

C’est assez dissuasif. Interdire ? Ce serait une forme de censure. Et afficher une contradiction. Alors que l’on est partisan de la liberté d’expression.
Et un système hybride ? D’un côté, l’utilisation d’algorithme de détection pour retirer automatiquement les contenus les plus violents, et de l’autre, le recours à des modérateurs professionnels, chargé de trier le reste.
Évoquons aussi la réponse collective : avec une modération communautaire, comme sur Twitch.
Est-ce efficace ? Oui mais pas toujours, lorsque sans aucune raison, l’outil bloque sur le mot « breton » !!

Cette tâche de modération est titanesque. Chronophage, traumatisante, et souvent inefficace, pour maintenir un environnement paisible et démocratique. Néanmoins, toute plate-forme devrait allouer les moyens et les ressources nécessaires

Les chercheurs de l’université de Cornell, ont développé une intelligence artificielle capable de déterminer si les conversations en temps réel prennent une mauvaise tournure. Elle suggère des moyens pour désamorcer les échanges agressif. La solution est peut-être là??


Blurred lines ! À l’heure du tout numérique, tellement exposés sur nos écrans, quelle frontière faisons-nous entre vie privée et vie publique ?


Désormais on travaille de chez soi, durant les trajets, en espace de coworking et même en vacances ! Notre perception de la notion de la vie publique et de la vie privée est embarquée par notre exposition croissante sur le Web. Nous passons en moyenne près de cinq heures chaque jour devant nos écrans, et à 8h par jour c’est de l’hyper connexion. Les frontières nettes autrefois, s’estompent. Avec les différents réseaux sociaux, ces limites sont devenus floues et poreuse, c’est le concept du blurred lines.
To blur, signifie «  brouiller », effacer

Inéluctablement, on se remémore la situation de la crise sanitaire qui a accru les usages numériques. 65 % des Français déclarent avoir utilisé davantage Internet pendant le confinement. D’ailleurs, le numérique a été perçu par près de 7 Français sur 10 comme un soutien pour maintenir l’économie et le lien social. Cette hausse du recours au digital durant la pandémie s’accompagne d’une augmentation de la confiance portée par les Français envers le numérique. Soit plus cinq points par rapport à 2019.

Par l’échange abondant de contenus, par notre manière de naviguer sur Internet, nous livrons tant d’éléments qui renseignent sur nos vies privées. Pour avoir une petite idée de cette ampleur, je vous invite à télécharger une copie de l’archive des données récoltées par Google, où l’on trouve plusieurs gigaoctets de ce que nous pensions avoir effacé, ou qui aurait été englouti par les années.

Cette augmentation de l’usage d’Internet, accompagné d’un excès de confiance dans le numérique, pousse à nous maintenir de plus en plus connecté. Fait exceptionnel : notre législation à anticipé la régulation à mettre en place!

En effet, COCORICO ! la France a été le premier pays au monde à intégrer depuis janvier 2017, le « droit à la déconnexion ». Tous les entreprises sont concernées, c’est très honorable, mais dans les faits, peu suivi, à en croire le sondage ifop en 2017, dans lequel 78 % des cadres répondait qu’ils consultaient leurs mails et SMS professionnels pendant leur temps libre.

Or nous ne sommes pas tous égaux. C’est un sujet qui nous impacte différemment, car certains d’entre nous ont plus de difficultés à établir des limites dans leur connectivité, pour différentes raisons. Comme le perfectionnisme, ou le manque de confiance en soi, par exemple. Cette présence addictive donne l’illusion d’un contrôle, illustré par le syndrome du FOMO : Fear Of Missing Out. Une anxiété caractérisée par la peur de manquer une information ou autre évènement sur les réseaux. Une étude montre que le FOMO se produit fréquemment chez les personnes qui développent des besoins psychologiques insatisfaits.

Quid du principe marketing de l’employee advocacy, qui invite les entreprises à engager toujours plus les collaborateurs ? Cette démarche, est en effet une stratégie marketing dont le but est de transformer les salariés en « ambassadeurs » de l’entreprise. Non, je ne vais pas vous infliger « comment élaborer un programme en 7 étapes  » ! En revanche, je vais vous fournir un chiffre : les ambassadeurs des entreprises peuvent booster jusqu’à 45 % les ventes, par le social selling. Cette pratique doit être accompagnée : avec la crise sanitaire, la mise en place du télétravail, la disponibilité permanente des collaborateurs, ont pu menacer son équilibre personnel, voire détériorer la qualité de son travail, favoriser le stress, provoquer une baisse de motivation et de concentration.

Ce droit à la déconnexion implique avant tout une obligation de le négocier et la mise en place d’une charte le respectant.
Quelle routine pour notre propre régulation ? Du réveil jusqu’au coucher, il n’y a pas de limitation à l’absorption dès lors que nous nous rendons sur les écrans. Alors, qui applique une discipline de consultation sur le Web? Instaurer des horaires, pour lire ses mails, d’autres pour s’informer, pour faire ses recherches ou pour jouer ou se détendre. Alors on peut adopter cette habitude: noter nos activités digitales, et le temps passé pour chacune. Pour conscientiser ce que l’on fait.
C’est une façon de sortir de l’immédiateté et de prendre du recul, de réguler sa dépendance. Au-delà de la frontière vie digitale, vie physique, c’est la dopamine, définie comme l’hormone du plaisir et de la récompense, qui joue un rôle dans la motivation, la satisfaction et le renforcement des habitudes.

Un ancien vice président de Facebook Chamat Paliha Pitya, a déclaré opportunément «  ce que nous voulons, c’est comprendre comment vous manipuler le plus rapidement possible pour vous gratifier en retour d’une bouffée de dopamine. « 
Alarmant ! 

Pour conclure, cette anecdote, narrée par Rob Sullivan, le fondateur de Profecia : Pendant des siècles, les moines et les communautés religieuses ont pratiqué la désintoxication à la dopamine. L’activation de cette dopamine n’est donc pas récente, mais ses leviers prennent différentes formes à travers les siècles !

Ce billet est issu de ma chronique PatchTech sur l’excellent podcast TrenchTech,
que vous pouvez écouter ici ! https://smartlink.ausha.co/trench-tech/patch-tech-blurred-lines-digital

Dans la tête des géants de la Tech

Mark Zuckerberg, Jeff Bezos, Ray Kurzweil, Elon Musk sont maintenant connus de tous. Leurs ambitions et leurs moyens fascinent, autant qu’ils nous inquiètent.
La notoriété des leaders des BigTech dépasse parfois celle de nos gouvernants. Les créateurs de ces firmes règnent sur les réseaux communautaires et par la même, sur notre ordre social.

Il faut aussi admettre que l’intérêt des médias pour ces personnalités porte autant sur leur fortune, démesurées que sur leur psyché.
Loin de moi d’avoir la prétention d’analyser le profil psychologique de ces big boss, je vous propose un florilège de réflexions de quelques experts, qui abordent les traits comportementaux et aussi leurs désirs, ou leur délires.

Commençons par Jeff Bezos. Les traits de son visage singulier, très mobile, et son asymétrie, sont éloquents. Rappelons que notre visage comporte 26 muscles pour exprimer nos émotions, nos sentiments ou pensées diverses.
Maxence Brulard, expert en morphopsychologie le décrypte ainsi : son nez puissant convexe et saillant s’assimile un peu à un brise-glace. Son intelligence émotionnelle invite à des passions multiples, à provoquer, à ouvrir de nouvelles perspectives, qui pousse le fondateur d’Amazon hors des limites. Il fonctionne par impulsions successives. Et son intelligence paradoxale pourra passer d’un comportement à un autre sans aucun état d’âme.
Christian Chavagnieux, Docteur en économie, va encore plus loin : « Jeff Bezos a toutes les caractéristiques des plus grands escrocs. C’est ce qu’on appelle un pervers narcissique. Il est obligé de compenser une douleur d’enfance par une survalorisation de lui-même. Il développe un instinct de prédation qui va lui faire trouver tout ce qu’on ne lui a pas donné. »


Faisons maintenant une digression avec Ray Kurzweil : Directeur de l’ingénierie chez Google, et futurologue américain. Il a créé plusieurs entreprises pionnière dans la Tech, mais il ne semble pas animé par l’ambition de bâtir un empire. Lui, sa raison d’être, c’est plutôt le transhumanisme. Il est un grand promoteur de la fusion totale entre l’homme et la machine

C’est lorsque j’ai fait la découverte suivante à son sujet, que je me suis penchée sur les aspects psychiques de cette personnalité hors du commun:
Le père de Ray Kurzweil est décédé lorsqu’il avait une vingtaine d’années.
Il a eu dès lors, une seule obsession : le faire revivre ! Depuis, il conserve tous les souvenirs de son père disparu, dans l’espoir de lui redonner vie, un jour, grâce à l’intelligence artificielle.
Il témoigne : » j’ai toutes ses factures d’électricité, ses lettre d’amour, ses partitions de musique. L’idée, à partir de toutes ces informations, est de créer un avatar. Voire, une copie encore meilleure, de re-concevoir la personnalité de mon papa. » Et il s’occupe aussi de lui-même : ainsi, Ray Kurzweil avale deux cent pilules par jour pour retarder son vieillissement. Parmi ses prédictions sur la durée de vie humaine, nous serions éternels à partir de l’an 2050.

En ce qui concerne Peter Thiel, il était dans les années 90 l’élève de René Girard, le Darwin de l’anthropologie, qui a développé la thèse du désir mimétique.

« Nous sommes tous en imitation permanente, car l’autre qui nous voit désirer, va lui-même désirer encore plus ce qu’il voulait. » Initialement co-fondateur de Paypal avec Elon Musk, dès 2000, il est convaincu que les premiers hommes capables de vivre mille ans, sont déjà nés. Et il compte bien figurer parmi les élus ! Il est devenu le plus en vue sur le mouvement du transhumanisme. En attendant, l’entrepreneur se gave d’hormones de croissance, et il a pris ses dispositions pour se faire cryogéniser.

Ensuite parlons de l’incontournable Mark Zuckerberg, qui a même fait l’objet d’un film.
« Son impassible visage, qui a souvent l’air préoccupé et anxieux, est en recherche permanente de reconnaissance », observe David Finsher le réalisateur du film t »The social network ».
Il a 100 millions d’amis sur Facebook, certes, mais il reste un grand frileux émotionnel, et mène un train de vie monastique. Son bébé, Facebook, illustre une utopie sociale. Celle d’un espace totalement pacifié car Zuckerberg voit l’empereur romain Auguste comme un modèle : la construction d’un empire de paix.
Il a d’ailleurs prénommé ses enfants Auguste et Maxima.

Le conflit et les ennemis n’existent pas sur ce réseau social. Si il y a un contentieux, l’ami peut être supprimé. Ou bloqué. Cela donne une certaine idée de son approche relationnelle.

Et pour conclure, un flash sur Elon Musk : « Je suis seulement un incompris. »

Patron de Tesla, il révèle être atteint du syndrome d’Asperger, une forme d’autisme, qui n’est pas d’origine psychologique. Son enfance n’a pour autant pas été facile, avec la séparation de ses parents, le harcèlement subi à l’école par son attitude de geek.
Musk a beau être un génie qui connait jusqu’au moindre détail l’intérieur d’une voiture, et le moteur d’une fusée, il veut aussi tout contrôler. Il ne délègue rien. Lorsque la Tesla Model S est sortie de l’atelier, il se couchait sous les voitures pour inspecter les passages de roues. Elon est conscient du caractère anormal de son comportement, et il écrit : « Je suis par nature un obsessionnel compulsif. Ce qui compte pour moi c’est de gagner. Ça doit être provoqué par un trou noir psychanalytique ou par un cours circuit neuronal. « 

Comme quoi avec lui, toute explication, est rationnelle et technique !!


Cette réflexion est issue de ma chronique PatchTech, sur le super podcast TrenchTech, dont vous retrouverez l’audio ici : https://podcast.ausha.co/trench-tech/patch-tech-dans-la-tete-des-geants-de-la-tech

Critique … de la critique de la tech !

En 1990 les débuts d’Internet, en 1997 le premier réseau social que tout le monde a oublié : Sixdegrees/ dot/ com.

Facebook qui atteint le Graal en 2008, est devenue la plate-forme dominante des médias sociaux avec plus de 100 millions d’utilisateurs mensuels, atteignant les 3 milliards aujourd’hui.

A l’origine, ces plates-formes étaient relativement inoffensives, et permettaient aux internautes de créer des pages, sur lesquelles publier des photos, des informations familiales, et au fil du temps, un partage de détails plus intimes, pour se mettre en scène. Or, il est aujourd’hui clair que notre naïveté a été prise au piège et fait le jeu du mépris du bien commun, et de toute régulation, les intérêts commerciaux des plateformes – somme toute légitimes- passant bien au-delà. 

Quelle est la chronologie du business model ?
L’amorce s’est faite par la publicité ! Au cours de sa croissance Google a pu évaluer le contenu d’une page et la manière dont les utilisateurs interagissent avec elle. Cette « publicité par ciblage de centres d’intérêt » générait en 2004, un chiffre d’affaires quotidien de 1 million de dollars ; Ce chiffre a été multiplié par plus de 25 en 2010 !
Portée par l’abondance des données récoltées à grande échelle, dans l’objectif de produire des annonces en ligne les plus pertinentes.  

Alors la 2e étape, c’est la détection de nos engagements par les « like » de tel contenu, les clics sur telle ou telle publicité, pour opérer la prédiction des comportements. Car, servir les besoins réels des consommateurs a moins de valeur, est moins lucratif pour ces entreprises, que vendre des prédictions sur nos agissements en ligne.

On parle du grand concept de capitalisme de surveillance ? 

Oui, avec Shoshana Zuboff, universitaire et sociologie américaine! Qui a théorisé ce concept.
Par le visionnage des documentaires américains comme « Hold up sur nos datas “ ou « Derrière nos écrans de fumée », dans lesquels les plateformes dévoilent les dessous de leur design, nous avons été informés, puis convaincus que c’est le cas.
Selon ces documentaires, l’expérience humaine est utilisée à des fins économiques. Mais ensuite, cette influence peut potentiellement se transformer en un contrôle sur nos choix politiques, comme nous l’avons découvert par exemple avec l’affaire Cambridge Analytica.

Les allégations de Shoshana Zuboff, dans son ouvrage « Vous êtes maintenant contrôlé à distance », convergent sur ces réflexions et invitent à une prise de conscience collective en arguant que « Deux milliards de personnes auront des pensées, qu’elles n’avaient pas l’intention d’avoir ».  

Toutes ces assertions nous régalent de science-fiction dystopique, mais pour certaines, il y a très peu de preuves… Le sociologue Sébastien Broche, lui, reproche à Shoshana Zuboff de ne jamais évaluer les faits qui vont à l’encontre de ses déclarations, qu’elle s’en tient à des préconisations générales en matière de lutte contre la surveillance en oubliant d’inscrire ce “capitalisme” dans une histoire plus large ».

Quant à Tristan Harris, qui témoigne dans « The Social Dilemma », il rallie cette prise de parole alarmante en affirmant que les concepteurs de médias sociaux peuvent aller jusqu’à nous forcer à avoir des pensées indésirables.

Rappelons que Harris est titulaire d’un diplôme en informatique de Stanford et a travaillé chez Google, mais il n’a aucune formation en sciences humaines et sciences sociales de la technologie,
ce qui pourrait lui apporter une prise de recul appréciable. Ses thèses sont d’ailleurs contestées.

Quel crédit donner aux informations auxquelles nous sommes exposés ?
Est ce que le prestige du producteur de l’information peut être gage de fiabilité ?
Prenons un exemple, moins virtuel mais parlant :

En 2017, le Cabinet McKinsey affirmait que 60 % des professions auraient 1/3 de leurs activités automatisées par « l’intelligence artificielle » d’ici 2030.  Contraignant entre 400 et 800 millions de travailleurs à chercher un autre emploi. Mc Kinsey vend des services de conseil aux entreprises.
Par conséquent, la firme a tout intérêt à ce que les dirigeants accréditent l’information qu’ils seront confrontés à un environnement transformé. Injectant ainsi de l’inquiétude auprès des décideurs, pour générer des commandes d’études et des analyses stratégiques.
D’ailleurs, en quête d’éléments de preuve de ces chiffres de 2017, je trouve ceci : Toujours selon un rapport Mc Kinsey, de juin 2020, soit 3 ans plus tard, environ 22 % des emplois en Europe pourraient être automatisés d’ici 2030. Leur prédiction de taux d’automatisation des emplois est passée de 60 % à 22 % !

Ce que j’avance ici est d’interroger et de multiplier des sources contradictoires ou concordantes, en matière de technologie, pour approcher d’une certaine objectivité.
À partir d’un fait, nous pouvons produire deux types de narrations : l’une orientée communication, avec plus ou moins de remaniement,
l’autre informationnelle, se déployant dans un esprit d’éveil avec des sources citées, recoupées, et des expertises en attestant.
Finalement le battage médiatique pro tech est tout aussi préjudiciable que le battage médiatique antitech !

Ce billet est la retranscription de ma chronique PatchTech du super podcast TrenchTech , que vous pouvez écouter ici https://smartlink.ausha.co/trench-tech/patch-tech-critique-de-la-critique-de-la-tech

Le sujet bouillant de l’influence.

Du buzz à l’influence, une simple histoire de manipulation ?

Votre objectif : 20 000 followers. Des gains de 5000 € par mois.
Si vous êtes présents sur les réseaux sociaux, vous êtes peut-être amusé de cette promesse, proposée par la société Ambaza, la première école d’influenceurs française. Au-delà du buzz, plutôt bad, de l’annonce de l’ ouverture de cette formation de 28h pour 1 200 euros, reconnaissons l’ampleur de la tendance et de l’intérêt pour l’influence dans toute son envergure.

Récemment, Bloomberg a partagé un sondage. Il en ressort qu’un européen sur dix est prêt à quitter son emploi actuel dans les six prochains mois, pour tenter de faire carrière de influenceurs sur TikTok.

Pour reprendre les mots de Cyril Attias, fondateur de l’une des toutes premières agences de social média, en 2020 : « l’influence digitale n’est pas un sujet à la mode, c’est une vraie transformation sociétale, de consommation et d’usages intergénérationnels. » Et dans cette amplification, le rôle de la viralité technologique. C’est un rôle essentiel ! Les plates-formes en ont permis l’avènement. Considérer qu’avec une seule publication sur une publication sur une plate-forme digital, les prescripteurs peuvent partager une information information, un avis politique, recommander un produit ou un service, auprès de milliers voire des millions de personnes selon la viralité. Et ce, en quelques secondes. Nous sommes presque tous impliqués.

62 % des consommateurs réagissent au moins une fois par jour aux publications d’un leader d’opinion.

Derrière ces activités fructueuses, se cache un vice, un concept moins vertueux, celui de la manipulation : comment situer la frontière entre l’influence et la manipulation?
Nous y sommes ! Et c’est Robert B. Cialdini, psychologue social américain, qui détaille ces frontières : il explique pourquoi certaines personnes sont douées d’un remarquable talents de persuasion, et comment il est possible de les battre sur leur propre terrain. Il délivre donc sept armes de persuasion dans un large panorama de technique et théorique en tout genre, pour obtenir quelque chose de nouveau, sans que nous nous y opposions. Ces moyens peuvent se mettre en place grâce a notre dangereuse tendance à nous laisser influencer. Car nos comportements humains se répètent, automatiquement et fréquemment, et le virtuel valide ce postulat.

Comment, dans cette infobésité pouvons-nous distinguer les contenus à visée manipulatoires ?

Le recours à l’influence n’est que la partie émergée est visible de tout un champ de propositions. Or, à la capacité d’influence, répond la compétence d’écoute, d’audit des flux et des conversations des communautés. On propose ici le triptyque de l’intelligence économique.
Veille, production et influence. Car selon Carlo Revely, chercheur en sciences de l’information à l’université Paris X et auteur de plusieurs articles sur le sujet, « tout organisme doit apprendre à maîtriser les flux informationnels avant de prendre une quelconque décision stratégique ».
Grâce au partage, aux commentaires et aux like sur les plates-formes, l’écoute des réseaux sociaux permet d’identifier les signaux faibles. La détection, de ses signaux est le point fort des résultats de la veille. Cette notion de signal faible remonte aux années 70. Mis en perspective dans un contexte précis, ils peuvent s’avérer extrêmement instructifs et apporter un décryptage et des analyses positives pour nourrir les stratégies économiques des entreprises et les soutenir dans leur performance.

Cela apporte la vision de « comment s’organise le monde autour de nous, la société connectée ?  » Et c’est un monde qui évolue très vite.

Cette écoute, cette inférence sociale, est maîtrisée par quelques agences, avec des outils technologiques élaborés sur-mesure, qui permettent de découvrir 10 à 100 fois plus de contenus et de personnes pertinentes, qu’une recherche par mot-clé. Or la puissance de la boucle, peut être un formidable moyen de glisser vers la manipulation, et la désinformation voire, la surveillance. Cette écoute active est donc le terrain de l’influence mais aussi des risques et beaucoup plus forts, est porté par des entreprises puissantes ? – Oui, et d’autres business très profitables , se font jour.

Mediapart a dénoncé récemment l’une des plus grandes entreprises de manipulation de l’information intervenue en France, et révèle tout un écosystème qui partage les démarches pour promouvoir les intérêts de leurs clients mais aussi dézinguer la concurrence. Leur méthode : tromper le public en publiant des articles semblant rédigés par des journalistes indépendants, sur des sites et des plateformes ressemblant plus ou moins à ceux de journaux ou médias. Dans le cadre de mes activités de communication d’influence, j’ai moi-même été approchée. A l’issue de l’entretien, je reconnais ne pas avoir du tout identifié l’usage dévoyé et répréhensible de leur offre de collaboration. J’avais, comme à l’accoutumée, carte blanche pour rédiger les articles sur mes sujets de prédilection et la possibilité de signer les billets auxquels j’adhère. J’ai toutefois refusé leur proposition , car ce procédé bien que confortable ne répondait ni à mon éthique, ni à mes besoins d’investigation n conclusion, le zoom est souvent fait sur l’influence, mais cet angle sape les étapes précédentes.

Le déroulé de l’équation gagnante serait, pour toute entreprise, la courbe vertueuse : Veille et écoute, inférence sociale, analyse, production, et en cerise sur le gâteau, l’influence !

Chronique issue du podcast Trench Tech, avec Laurence Devillers :
« IA et robots, il faut voir comme ils nous parlent !  » https://podcast.ausha.co/trench-tech/laurence-devillers-ia-robots-il-faut-voir-comme-ils-nous-parlent

« Notre attention, sous écoute. »

Les plates-formes mondiales, Facebook, TikTok ou Twitter, ont ouvert l’ère de l’économie de l’attention.

Commençons par nos pratiques d’internautes : 62,5 % de la population mondiale utilise Internet et sur les réseaux sociaux il y a 4,62 milliards d’utilisateurs actifs.

Ces chiffres, écrasants, et croissants indiquent qu’il serait impossible de revenir en arrière. Car le Web est intégré dans tous nos processus économiques, politiques, sociaux. Nous passons en moyenne 6h58 par jour sur Internet, le zoom est souvent opéré sur le temps d’écran, mais cela n’a aucun sens.

Faisons un parallèle avec l’alimentation : devant l’abondance de contenus, notre consommation numérique serait comme évaluer la nourriture consommée à son poids. 5 kg de salade verte n’équivalent pas 5 kg de frites, vous en conviendrez.

Pour Google et les Gafa, le défi et la captation de l’attention, c’est le capital recherché par les plates-formes. Notre niveau d’attention est une source de valorisation des contenus des messages publicitaires

Quelles sont les tactiques de ces plates-formes pour retenir les internautes ?
Une fois que nous sommes connectés, c’est un flux continu, un fil d’actualité sans fin entre les réseaux sociaux, les mails, les SMS.

Une illustration :les applications téléchargées sur nos smartphones, nous privent des signaux d’arrêt nous indiquent qu’il est temps de passer à autre chose. Inversement, la lecture d’un journal ou le visionnage d’une série, une fois les pages du journal tournées, nous parvenons au bout de l’édition. Une fois l’épisode de la série terminée, même si vous enchaînez sur le suivant, il comporte une fin.

Les notifications sont l’une des fonctionnalités et plus stressantes de nos smartphones, c’est pourquoi nous sommes maintenus en alerte permanente, lorsqu’elles sont activées.Parlons aussi des récompenses aléatoires prodiguées sur les plateformes

Ces récompenses sont efficaces lorsqu’elles sont intermittentes et non prévisibles. Le résultat attendu est relié à une part d’incertitude. Afin que nous soyons soit déçu, soit émerveillé devant ce qui s’affiche sous nos yeux. C’est d’une efficacité addictive redoutable.

Il en découle de la dépendance à ses nombreuses interfaces et services.

Les plates-formes, les réseaux sociaux nous apprennent à devenir accro.
Ces techniques employées se basent sur nos besoins anthropologiques ?

Oui, car dès la 10e seconde, il nous faut un nouveau stimulus, une autre recommandation car notre contexte mental est remis a zéro. Parmi nos besoins primaires se trouve aussi celui de la reconnaissance sociale. C’est un besoin d’appartenir à une communauté. L’ego est également l’un des piliers de notre motivation Cela permet ensuite aux plates-formes de produire et développer des modèles prédictifs pousser de plus en plus performant , pour parvenir à optimiser cette captation de l’attention.

Et au passage, les plates-formes en profitent pour collecter des données personnelles ? Oui, comme l’intelligence artificielle de Facebook, qui manipule des trillions de points de données par jour, réalisant plus de 6 millions de prédictions de comportement, à la seconde. Tout ceci va très loin : même les moteurs de recherche construisent des frontières de l’information en personnalisant les résultats en fonction de notre géolocalisation, de notre langage etc.

Alors que nous sommes convaincus que nos explorations sur ces moteurs de recherche sont non exhaustives, et ouvertes. À ce propos, le site « search atlas » permet de comparer les résultats à travers différents pays d’une même requête, sur Google

Avec ce constat affligeant, comment réagir ?
Rétrospectivement l’apprentissage du Web a été pensé pour qu’il se réalise instinctivement. Avec un regard distancié, nous réalisons qu’un apprentissage accompagné avec méthodologie s’impose pour notre société.

La première étape est de reconnaître que la source d’une distraction est 90 % du temps à l’intérieur, et non à l’extérieur de nous, observe cet expert, en mécanismes d’addiction : Il ne s’agit pas de dénigrer notre comportement, mais il s’agit d’opérer sa propre régulation plutôt qu’un sevrage brutal. Individuellement posons-nous la question :

  • En nous connectant, de quoi avons-nous vraiment besoin ?
  • De quoi avons-nous envie d’être averti ?

Nous devrions prendre l’habitude de préciser nos intentions avant tout de connexion Puis, évaluer la qualité de l’expérience. Cela concerne l’éducation à la consommation de l’information, c’est la redéfinition nécessaire de nos usages d’internautes.

Plutôt que d’être défensifs, soyons acteurs responsables en postant intelligemment. Sans engager nos enfants, par exemple, en évitant de publier les échographies ou les photos de nos bambins. Au-delà d’un modèle économique, Internet est un modèle civilisationnel. Qui a un impact fondamental sur le fonctionnement de la démocratie : on peut légiférer, taxer, mais nous devrions nous sentir responsable.

Podcast TrenchTech avec Hélena Poincet : » cyber-sécurité la menace fantôme »
https://podcast.ausha.co/trench-tech/cybersecurite-la-menace-fantome

Les travailleurs du clic sont les invisibles du numérique, un phénomène méconnu

On les dit «invisibles » : en France 260 000 personnes, microtravailleraient.

Derrière nos applications, nos sites Web, Surtout nos algorithmes des milliers de travailleurs s’activent dans l’ombre pour faire fonctionner le mot numérique.

Au niveau mondial il serait entre 45 et 90 millions. Ce sont les clic workers. Ça sonne bien, mais cela n’évoque pas vraiment le travail et ce marché de la gig economy, qui signifie littéralement l’économie des petits boulots. Elle désigne tout travailleur indépendant ou auto entrepreneur, payé à la tâche.

Leur profil ? Des femmes en majorité, 56 %, entre 25 et 44 ans.

Plus précisément, ces clic workers nettoient des bases de données, modérer des contenus, évaluer des applications en ligne, cliquer sur des liens, classer des mots-clés, légender une photo, répondre à un questionnaire, etc…

Des petits boulots réalisés entre 10 secondes et 15 minutes en ligne, effectués sur un ordinateur ou un smartphone, et qui rapporte quelques centimes voire quelques euros. C’est une infinité de micros taches qui contribue à améliorer les systèmes d’intelligence artificielle. Car pour fonctionner, cette technologie doit être nourrie par d’énormes bases de données, conçues par des humains, à partir desquelles elles apprennent. Pour le moment, à défaut de se nourrir, ses employés nourrissent les data.

Un clic worker témoigne sur cette tâche qui consiste à jouer à une sorte de jeu vidéo. Les micros travailleurs doivent se diriger vers les personnages aux prénoms d’origine française, en appuyant sur la touche « avancer », et s’éloigner des prénoms d’origine maghrébine, en appuyant sur la touche « reculer ».

Amélie est modératrice, et modère du contenu toute la journée. Elle se heurte à la violence des images de meurtre, suicide, racisme. Le pire pour elle, mais je ne la citerai pas car c’est humainement intolérable. Ce qu’elle voit initie des risques de stress psychologique et traumatique. Qui ne sont pas pris en charge ni même reconnu par les plates-formes. Ces travailleurs du clic sont payés uniquement sur les commandes. Par exemple, si un client ne valide pas la micro tâche, le travailleur n’est pas rémunéré. Beaucoup d’entre eux, vont jusqu’à se créer des alertes en pleine nuit, pour maximiser leur chance de décrocher une mission.

Sans jamais avoir la certitude d’être rémunéré puisqu’une tâche inachevée dans les temps est remise sur le marché.

Ce sujet sensible un réveil aussi les arnaques dans son approche commerciale. Présenté en 2018 comme entièrement automatisé, l’assistant vocal Google duplex était supervisé par des personnes qui écoutaient et corrigeaient l’intelligence artificielle et parfois, se faisaient passer pour l’assistant vocal, qui simulait un être humain. L’intelligence artificielle produite par les plates-formes n’est finalement pas aussi automatisée qu’il n’y paraît et bel et bien nourrie par de l’intelligence humaine, à moindre frais.

Quelles sont les conditions de travail de ces personnes ?

Les modalités de travail des clic workers ont de quoi inquiéter : le temps est limité pour aller aux toilettes : cinq minutes, vingt minutes pour aller déjeuner. De plus lorsque l’on travaille pour certaines plates-formes comme Google, les témoignages sont en mode anonyme. Il leur est même interdit de travailler dans des lieux publics. La mission peut être stoppée par l’entreprise ou l’employé viré, sans préavis, Il n’y a pas de contrat mais un simple accord de participation voire, la seule adhésion aux conditions générales d’utilisation de la plate-forme. Le tout dans une grande opacité. Généralement les travailleurs ne savent pas pour qui ils agissent.

Dans cette affaire ce sont les plates-formes les gagnantes ?

Derrière les algorithmes d’Uber, Facebook, Deliveroo, Google, et d’autres comme Amazon Mechanikal Turk, la croissance et de 25 à 30 % par an. De fait, ces travailleurs du clic sont majoritairement issus d’Inde, des Philippines, du Pakistan, du Bangladesh, suivi des États-Unis et de l’Europe de l’Est. La grande difficulté pour réguler le micro travail, réside dans sa dispersion géographique et le fait que peu d’individus travaillent à plein temps. Il demeure, a minima, une régulation. Par l’application de lois existantes. Mais il n’y a pas de voix collective pour défendre leurs droits. Du côté du pays scandinaves, on trouve l’expérimentation d’une nouvelle forme de modèle : la flexi sécurité. Une libéralisation totale des contrats et des conditions d’embauche ou de licenciement.

Il y a tout à faire pour encadrer et ne pas amplifier la paupérisation, quelles perspectives pour conclure ?

Pour certains prospectivistes, la gig economy est une phase de transition du marché de l’emploi. Avant l’ère du transfert, ou l’on cumule des missions différentes pour des employeurs différents. Ces plates-formes opèrent dans une zone grise qui n’offre aucune des protections de nos sociétés au travail : assurance maladie, retraite, chômage.

Dans ce domaine, l’essor de la tech et des plates-formes se fait au détriment de la qualité de la vie humaine par la prolifération de nouveaux travailleurs pauvres, partout dans le monde, y compris en France. Selon un sondage Full Factory 40 % de ces personnes ont un CDI, 71 % d’entre elles travaillent à temps plein, et 22 % vivent sous le seuil de la pauvreté. Il faut souhaiter, par la visibilité des dangers et de cette précarité, d’une prise de conscience politique, et des outils juridiques.

Une chronique Patch tech, extraite du podcast TrenchTech, avec Nicolas Arpagian : https://podcast.ausha.co/trench-tech/guerre-tech-aux-frontieres-du-reel

La loi d’Amara, donne des perspectives ébouriffantes sur l’innovation !

Et vient éclairer quelques domaines comme celui de la Tech. En effet, d’une technologie à l’autre, certains principes voient le jour comme celui de la loi de Amara. RoyAmara, a fondé l’ « Institut pour le futur », think tank de la Silicon Valley en 1968 : « Nous avons tendance, à surestimer l’incidence d’une nouvelle technologie à cours terme, et à la sous-estimer à long terme.. »

À quel type de technologie fait référence Amara? Prenons un premier exemple, celui du GPS. Les usages actuels était inimaginables au départ. La première phase, c’est l’idéalisation des potentialités techniques, à court terme. Le GPS a été créé dans un but précis, mais cela a été fastidieux pour arriver à des performances conformes aux attentes initiales. Cet objectif était de permettre à l’armée américaine de livrer précisément les munitions.

Une constellation de 24 satellites a été alors mise en orbite. C’est durant la première guerre du Golfe en 1991 que le GPS retrouve son objectif premier. Le système a été déclaré opérationnel en 1995. Il a fallu d’autres succès pour que l’armée admette que cette invention était utile.
En deuxième phase, aujourd’hui, le GPS a envahi tant d’aspects de nos vies que sans lui, nous serions perdus. Intégré dans l’Apple Watch, il nous géolocalise suffisamment précisément pour savoir de quel côté de la rue nous sommes. La taille, minuscule, et le prix de l’appareil, aurait été inconcevables pour les premiers ingénieurs de cette technologie.

Le robot est une autre illustration intéressante de la loi d’Amara. Car l’on peut en matérialiser l’évolution de manière visuelle et fonctionnelle. La science-fiction est le genre d’anticipation le plus à même de parler de robot. Nombre d’œuvres participent à cette soif de prophétie à travers la technologie et mêlent dans nos esprits le fantasme, et l’angoisse..

On parle de Terminator ? Non, mais de « AI intelligence artificielle » une fiction de Steven Spielberg. L’histoire d’un garçon, ou plutôt d’un parfait petit robot, adopté par une famille. Cette fiction très réussie fait émerger une multitude d’interrogations ambivalentes, cartésiennes et émotionnelles. En écho avec les cycles engendrés par la loi d’Amara. Je me rappelle que lors du premier salon de la robotique créé par Bruno Bonnell en 2010, les stands asiatiques exposaient une majorité de robots humanoïdes. Alors que l’efficacité opérationnelle de la robotique étaient déjà à l’œuvre dans les industries. Mais sous des formes moins glamour que Sofia, la gynoïde.
L’explication était simple : pour adopter la robolution, autrement dit, la révolution des robots, il fallait en passer par une représentation humaine. Avec ce paradoxe d’inventer le futur, en reproduisant les caractéristiques de l’enveloppe corporelle humaine

Isaac Asimov, s’amusait de cette peur Inspiré par le robot. Je le cite : j’y voyais une créature totalement inoffensive, juste préoccupée d’exécuter le travail pour lequel on l’avait conçu, incapable de causer le moindre préjudice aux hommes tandis que maints adultes Victime d’un complexe de Frankenstein voulaient considérer ces pauvres machines comme des créatures Mortellement dangereuses. Les techno vont vite mais l’adoption par les utilisateurs enregistre plusieurs étapes et diffèrent en fonction de leur culture, de leur religion.

D’autres sociétés remettrait en cause cette loi d’Amara, pour la robotique en particulier ?
Elle serait en tout cas à nuancer. Au Japon, au-delà du vieillissement de sa population qui le pousse à trouver des solutions d’aide aux personnes, a plusieurs années d’avance dans sa production et dans son adoption. Leur pratique du shintoïsme convoque des éléments animistes, en conséquence duquel le peuple nippon porte de l’affection aux objets auxquels il attache une âme. D’autant plus instinctivement qu’ils ont une lueur d’humanité.
Ici la technique est d’abord perçue comme une alliée. En 2010, Bruno Bonnell, écrivait : ce futur monde, peuplé de machines intelligentes et connectées est au coin du siècle. Se laisser conduire dans un véhicule autonome, ou confier son corps pour une opération chirurgicale fera partie de notre vie. Il était visionnaire.
Aujourd’hui la chirurgie robotique est une pratique de plus en plus courante. Avec l’acquisition du robot Da Vinci par différents hôpitaux, ce sont les services d’urologie de gynécologie, et de chirurgie viscérale qui sont les premiers à en bénéficier. Il permet une plus grande mobilité, une meilleure précision du geste en éliminant des tremblements de la main.
Et pour reprendre ainsi les principes de la loi d’Amara la robotique promet vraisemblablement d’autres horizons. Oui, et la technologie porté par l’imaginaire reflète bien cette loi, emmenant nos pensées dans le rêve et la magie. Puis, en retombant sur les réalités d’usage, que finalement l’adoption et les améliorations inscrivent dans notre quotidien bien au-delà des propositions initiales.


On enchaîne sur le métavers ?!

Chronique issue du podcast TrenchTech Gérald Holubowicz – Deep Fake : l’ombre d’un doute
https://podcast.ausha.co/trench-tech/deep-fake-l-ombre-d-un-doute

Pro tech ou anti tech: Peut-on les réconcilier ?

Le rapport à la technologie a des clivages majeurs, que l’on rencontre actuellement. Mais cela n’a pas été toujours le cas. Quelques chiffres ébouriffants sur l’adoption des technologies :
Il a fallu 68 ans au transport aérien pour gagner 50 millions d’utilisateurs,

50 ans pour le téléphone,

22 ans pour la télévision, deux ans pour Twitter

et 19 jours pour Pokémon Go.

Nous sommes de plus en plus adaptables, nos apprentissages sont anthropologiquement plus rapides. Sur la notion de progrès, Raphael Llorca, expert en sciences sociales, évoque ce paradigme :
« L’idée que demain sera nécessairement mieux aujourd’hui et qu’hier ». Nous avons une vision très linéaire du temps, couplée à l’idée que nous allons forcément vers un avenir meilleur. Il lui semble que nous sommes précisément en train de vivre un basculement de notre rapport au progrès..

Jusqu’au XVIIe siècle, on ne s’intéressait pas à l’avenir, mais au passé. La religion, et la pensée antique, étaient la boussole de nos actions, afin de parvenir au bonheur. C’est avec la révolution scientifique que le progrès nait. Galilée fonde l’héliocentrisme en 1610, René Descartes découvre la géométrie analytique en 1637. Cette avancée rationaliste permet aux techniques de se développer jusqu’à l’avènement de la révolution industrielle à la fin du XVIIIe siècle, en Europe.

Astronomie / Système planétaire. “Scenographica systematica Copernicani”. (Système planétaire héliocentrique de Copernic, 1510). Grav. sur cuivre, coloriée. In : Christoph Cellarius, Harmonia Macrocosmica, 1660.

Depuis, le monde a connu d’autres évolutions économiques toujours initiées par une innovation technologique. Puis ce progrès évolue au XXe siècle. Avec la découverte de l’ADN, de la bombe atomique, le premier ordinateur, la première fusée, l’ensemble des technologies NBIC, ainsi que les technologies spatiale et nucléaire.
Désormais, nous entrons dans une ère dichotomique : Jeff Bezos et les trois autres occupants de Blue Origin ont émis 75 tonnes de gaz carbonique chacun en 10 minutes. C’est l’équivalent des émissions de 16 français en une année. Ce progrès technique s’accompagne inéluctablement d’un autre paramètre, celui du déclin environnemental.

La tech fait-elle l’adhésion des Français ?

65 % des Français déciderait de vivre dans le passé si ils en avaient le choix. Pour autant 79 % des Français se montre majoritairement intéressé par la technologie et son développement. Avec la tech, on percute l’imaginaire, on lui offre d’autres dimensions. On a enfin la possibilité de faire des choses dont nos ancêtres ont rêvés. Comme résorber la pauvreté, manger à sa faim, ça, c’est très récent. Mais la tech est aussi une source d’inquiétude pour 38 % d’entre nous.

Puisque la technologie, la machine n’a pas de corps, n’a pas de désir, de sentiments, c’est à elle que l’on peut confier la rationalité, et la tâche de raisonner. Sur cette notion de rationalité, Miguel Benasayag philosophe et psychanalyste, développe la théorie d’une ère de post rationalité. Après avoir perdu la foi dans le rationalisme humain, nous nous tournons vers la foi dans le rationalisme de la machine. Mais nous risquons de préférer la donnée et le calcul, au libre arbitre. Les nouvelles technos offrent de formidables opportunités de progrès, lorsqu’elles sont utilisés comme outil au service d’ambitions éthiques, ou égalitaires. Mais lorsqu’elles sont pensées en dehors de tout projet de société, elles doivent être questionnées, remises en perspective.

Par exemple, nous avons suffisamment de quoi bien vivre, Mais qu’est-ce qui vient ensuite, après être rassasié ? On peut faire un arrêt sur images, et s’interroger. Plusieurs scénarios pour ce XXIe siècle qui révèle nos immense pouvoirs technologiques et démiurgiques avec nos positions de plus en plus fortes face à ces progrès.

Alors, deux scénarios : le premier qui consiste à penser « On va atteindre une crise de plus en plus profonde envers ces technologies ».

Et le second : les Français considèrent à 77 % que rien ni personne peut enrayer son développement. La tech a une évolution exponentielle, dans tous les domaines, en accélération avec la pandémie.

L’usage de ces tech impacte non seulement nos comportements mais aussi la société, exhorte à engager la politique, l’économie, la sociologie, l’éthique.
Et cela nous sollicite individuellement, convoquant notre libre arbitre et notre esprit critique. Afin de dessiner la société de demain.

Une chronique pour le podcast TRENCHTECH , que vous retrouvez ici : https://podcast.ausha.co/trench-tech/2042-ou-en-sont-les-femmes-dans-la-tech