Ce sujet est encore méconnu et encore moins déployé dans les entreprises. Aujourd’hui il abonde en éléments chiffrés, car les études permettent de mesurer les effets (positifs !) de l’impact de l’engagement des collaborateurs.
Je reprends en partie cette interview proposée par Be Smarp, en 2018..
Valène Jouany : Bonjour Fabienne, vous avez fondé #FemmesduNum à Lyon, pouvez-vous nous présenter votre parcours ?
Avec 10 ans d’expérience en agence et après avoir fait mes armes dans une startup en 2009, je conseille les dirigeants des grands comptes et des ETI dans le cadre de leur transformation numérique.
J’accompagne les dirigeants et les équipes de managers dans leur stratégie de communication digitale. Les grands comptes me sollicitent pour réaliser des conférences, je leur propose des interventions ciblées pour les diriger dans leur investissement dédié à la culture digitale et pour les aider à performer économiquement dans l’ère numérique.
D’après vous, pour quelles raisons le numérique est devenu une évidence pour l’entreprise d’aujourd’hui ?
Le numérique est devenu une évidence tout simplement parce que les consommateurs sont connectés sur le web. On estime par exemple que chaque consommateur gérera 85% de sa relation avec une marque directement sur le web sans interagir avec un être humain d’ici 2020.
Dans un contexte concurrentiel, une marque qui n’est pas présente sur le web est finalement comme une marque qui n’existe pas car les consommateurs Français sont de plus en plus connectés : aujourd’hui, ce sont 26,5 millions de Français qui se connectent à au moins un réseau social. De plus, 7 consommateurs Français sur 10 effectuent des achats en ligne.
En parallèle, la communication corporate est remplacée par les recommandations en ligne : les consommateurs Français sont en effet de plus en plus attentifs aux avis postés sur le web par d’autres consommateurs. Ils ne se content plus de visiter le site web officiel de la marque pour se renseigner sur ses produits ou sur ses services : 84% d’entre eux lisent des articles partagés par leurs proches pour s’informer et 49% d’entre eux regardent des vidéos partagées en ligne par leurs amis. Il faut savoir que 80% des informations relatives à une marque sont partagées en dehors de sa communication corporate.
Cependant, nous remarquons que 88% des entreprises ne sont pas présentes sur LinkedIn, 73% d’entre elles n’ont pas de page Facebook et 93% d’entre elles n’ont pas de blog ! Seulement 1 grande entreprise sur 2 et 1 PME sur 8 utilisent des solutions de vente en ligne. Or, le web a un formidable potentiel (et est une réalité !) pour les entreprises : nous comptons aujourd’hui 30 millions de consommateurs en ligne et nous estimons que les PME françaises pourraient gagner jusqu’à 1,5 million de consommateurs en comblant leur retard.
De nombreuses entreprises françaises fonctionnent par silos, en quoi le numérique permet d’améliorer leur communication interne ?
L’utilisation de la data amorce de nouvelles perspectives. Et pourtant, seulement 10% de la donnée est traitée par les entreprises. Elle apporte un volume d’informations exponentiel sur les consommateurs connectés. Dès lors, quel process ? Captées par les services informatiques, elles seront ensuite traitées, et c’est là où le décloisonnement entre les métiers devrait avoir lieu : marketing, communication, commercial, jusqu’aux RH, auront inéluctablement à utiliser ces données dans un objectif de connaissance client et de performance commerciale.
D’une manière plus générale, la transformation numérique n’est pas réservée à un ou à des secteur(s) en particulier. Les startups créées par les digital natives ont la dimension digitale et les usages intégrés ! Ce n’est plus un sujet. Citons l’emblématique Michel et Augustin comme exemple d’entreprise agile, réactive, en osmose avec sa communauté de consommateurs. La technologie rassure, mais ne garantit pas l’implication, ni la transformation numérique ! La culture est primordiale.
Une entreprise est le résultat d’un contrat passé entre quatre intervenants :
les employés, les clients, les actionnaires et les gestionnaires.
L’utilisation des réseaux sociaux, de plateformes et de réseaux internes permet à l’ensemble de ces intervenants de se rapprocher et d’échanger des informations en continu.
Notre système pyramidal nécessite des validations, des allers retours qui consomment du temps et nuisent à la réactivité. Or, la communication via des réseaux et des plateformes gomme ces strates et procure un gain de temps considérable. Prenons un exemple : Google a 5 niveaux hiérarchiques alors que pour le même type d’entreprise, nous en avons 12 en France !
Les modèles collaboratifs sont encore très peu utilisés en France : seulement 29 % des entreprises Françaises ont testé ces nouveaux modèles. Les RSE (réseaux sociaux d’entreprise) sont utilisés par 40% d’entre elles.
Les PME Françaises sont également en retard dans leur transformation numérique par rapport aux autres PME Européennes. Ce retard est particulièrement visible en termes d’adoption de solutions digitales, comme la présence de l’entreprise sur Internet et sur les réseaux sociaux, la réalisation de ventes en ligne ou l’utilisation d’outils digitaux visant à améliorer leur productivité.
Les salariés jouent un rôle central dans ce processus, pouvez-vous nous en dire plus ?
Le web est une plateforme apprenante qui donne accès aux salariés à des informations actualisées tous les jours. Le web leur permet de découvrir de nouvelles solutions et d’améliorer leur veille technologique.
Le partage de connaissances devient indispensable pour réaliser les missions plus efficacement mais le ROI par rapport à ce type d’initiative étant encore difficile à mesurer, les managers n’encouragent pas les salariés à exploiter tout le potentiel offert par le web. En effet, 77,3% des employés ne se sentent pas encouragés par leur employeur à partager des informations le concernant sur les réseaux sociaux.
D’après la Harvard Business School, les contenus de marque sont partagés 24 fois plus souvent et leur portée est 561% supérieure lorsqu’ils sont relayés par les employés plutôt que diffusés par la marque.
En parallèle, Nielsen a montré qu’en Europe, 78% des consommateurs font confiance aux recommandations de leurs pairs alors que seulement 32% d’entre eux font confiance aux publicités diffusées par les marques sur les médias sociaux, d’où l’intérêt d’encourager les salariés à devenir des ambassadeurs sur le web !
La formation aux outils du numérique est capitale dans un processus de transformation numérique, avez-vous des conseils pour sensibiliser les salariés et pour les former de manière efficace ?
En France, nous avons tendance à être actifs sur les réseaux sociaux dans un cadre personnel mais nous sommes en retard concernant l’utilisation des réseaux sociaux dans un cadre professionnel.
Je pense que les entreprises doivent former l’ensemble des salariés à l’utilisation du web, celle-ci devant être ancrée dans leurs habitudes de travail.
En se rendant plus visibles sur le web, les salariés développent leur employabilité et leurs compétences et les informations récoltées vont être également bénéfiques à l’entreprise.
Or, très peu d’entreprises françaises forment les salariés à l’utilisation des réseaux sociaux sur le long terme d’où un découragement de la part des salariés car ils ont peur de faire des erreurs. Il n’y a pas un seul cursus de formation qui va convenir à toutes les entreprises et il n’y a pas non plus un modèle unique de transformation digitale.
Bien évidemment, il s’agit là de former les employés avec différents moyens, selon les attentes des managers et des salariés.. Il faut proposer aux salariés une palette de formations pour répondre à leurs différents besoins.
De plus, la création d’une charte d’utilisation des réseaux sociaux va permettre à l’entreprise de rassurer les salariés par rapport aux informations qu’ils peuvent communiquer.
Un autre point important : il faut que le management montre l’exemple.
79% des Français attendent du dirigeant qu’il montre son engagement à faire progresser la société en prenant part aux conversations sur le web.
Stéphane Pallez, CEO de La Française des Jeux, Laurence Paganini, CEO de Kaporal Group, Nicolas Sekkaki, CEO d’IBM France ou encore Nicolas Bordas, Vice-Président International de TBWA\Worldwide sont des dirigeant(e)s très actifs/ves sur les réseaux sociaux, ils montrent l’exemple aux salariés sur la manière de s’exprimer et sur les contenus à partager dans un contexte professionnel.
Quels sont d’après vous les avantages à la fois pour l’entreprise et pour les salariés d’encourager ces derniers à développer leur marque personnelle sur les médias sociaux via l’employee advocacy ?
L’employee advocacy est bénéfique aussi bien à l’entreprise qu’aux salariés, il s’agit en effet d’une collaboration « gagnante-gagnante »
Les avantages de cette stratégie incluent notamment l’augmentation de sa visibilité sur le web, le développement de sa marque employeur, la hausse du trafic web :
- Plus de 79% des entreprises interrogées par Hinge Research Institute déclarent que l’employee advocacy leur a permis d’augmenter leur visibilité auprès de leur public cible ;
- 44,9% des entreprises augmentent leur trafic web via l’employee advocacy (Hinge Research Insitute).
- 2% des salariés partageant des informations relatives à l’entreprise sur les réseaux sociaux génèrent 20% de taux d’engagement vis-à-vis de la marque (Le Blog du Communicant) ;
De plus, les collaborateurs inspirent confiance mais pour le moment, seulement 33% des employeurs les encouragent à partager des contenus de l’entreprise (KRC Research).
En parallèle, l’employee advocacy aide les salariés à construire leur marque personnelle. En communiquant sur la marque, ils montrent à leurs abonnés leur engagement au sein de l’entreprise et leur passion pour leur travail. Ils construisent ainsi leur personal branding et assurent leur employabilité.
Par leurs prises de parole sur les réseaux sociaux, les salariés ont un impact sur les performances de l’entreprise : ils peuvent en effet attirer de nouveaux prospects, trouver de nouveaux fournisseurs, être à l’origine d’une innovation, identifier des experts et de manière plus générale, ils augmentent la visibilité de la marque sur le web.
Il peut être facile de se sentir comme « un employé parmi tant d’autres », surtout dans de grandes structures. Or, l’employee advocacy permet aux salariés d’être reconnus par leurs collègues. En parallèle, cette stratégie renforce le sentiment d’appartenance et l’engagement des salariés au sein de l’entreprise.
Enfin, les salariés développent leur soft skills dont la curiosité, l’empathie, le sens du collectif, la capacité à formuler une idée ou à effectuer une veille technologique.
Avant de nous quitter, si vous deviez résumer en quelques mots la manière dont les entreprises devraient envisager l’ère numérique, que diriez-vous ?
L’ère numérique s’envisage comme une exploration, sans carte d’orientation établie à l’avance. Toute entité définira son usage puis ses destinations en fonction de sa culture, de sa gouvernance et de ses ressources humaines. À cet égard, l’enrichissement est inéluctable !